58ième Journée de l’Ingénieur 04/02/2017

58e Journée de l’Ingénieur
spaceresources.lu : des rôles pionniers pour le Luxembourg et ses métiers STIMs

Sur invitation de l’Association da Vinci, de nombreux décideurs des milieux académique, politique, économique et industriel se sont retrouvés début février à la Chambre de Commerce à Luxembourg-Kirchberg pour la 58e Journée de l’Ingénieur. Les près de 300 participants comptaient les Vice-présidents de la Chambre des Députés, dont Simone Beissel, Vice-présidente représentant le Président de la Chambre des Députés et Présidente de la Commission de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, des Médias, des Communications et de l’Espace, commission personnifiée d’ailleurs aussi par ses membres Diane Adehm et Marcel Oberweis.

Un vivier de talents STIMs

Carlo Thelen, Directeur général de la Chambre de Commerce, a rappelé les retombées médiatiques importantes de l’annonce en février 2016 du Ministre de l’Économie Etienne Schneider de faire du Luxembourg le premier pays européen à établir un cadre légal qui assure aux opérateurs privés travaillant dans l’espace de s’assurer leurs droits quant aux ressources qu’ils extraient des astéroïdes. « Des projets ambitieux comme spaceresources.lu ou encore la nouvelle stratégie suite à l’étude ‘troisième révolution industrielle’ présupposent un niveau d’expertise élevé et la disponibilité suffisante de ressources humaines hautement qualifiées. » Ces nouvelles orientations offriront de nombreux débouchés aux diplômés en STIMs (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques). Encore faut-il renforcer la promotion de ces filières puisque le Luxembourg affiche actuellement un taux de diplômés largement inférieur à la moyenne européenne. Dans ce sens, de nombreuses formations et initiatives ont vu le jour en vue de promouvoir les métiers de l’industrie et des technologies auprès des jeunes, tous niveaux d’études et d’employabilité confondus, ainsi que l’entrepreneuriat : hello future, winwin.lu, talent check, le projet écoles-entreprises ou encore le House of Entrepreneurship.

Carlo Thelen a conclu : « Notre objectif commun doit être de continuer à diversifier notre économie et de la maintenir dans un environnement compétitif et pro-business, ouverte à la créativité et à des idées nouvelles et innovantes. Pour y arriver, nous devons (…) assurer la meilleure formation et des compétences pointues aux jeunes qui passent par le système de formation et d’enseignement luxembourgeois. »

Savoir, savoir-faire et savoir-être

Marc Solvi a enchaîné sur les efforts de promotion de la culture scientifique entrepris en 2016 par l’Association da Vinci qu’il préside et qui regroupe près de 3 000 ingénieurs, architectes, scientifiques et industriels. Il s’est notamment attardé sur le Wëssensatelier pour les 8-12 ans, ainsi que sur les Engineering Trainee Days qui s’adressent aux élèves du secondaire supérieur.

Il a aussi souligné le rôle actif des ingénieurs dans le cadre de la mise en œuvre du rapport Rifkin, théoricien et champion du développement durable : savoir, savoir-faire et savoir-être. « Savoir évidemment : avoir le savoir et les compétences du développement durable dans les domaines où l’on travaille. Savoir-faire : appliquer ce savoir et le mettre en œuvre. Savoir-être : convaincre les gens, savoir les influencer et faire en sorte que les décisions soient prises dans l’intérêt du développement durable. (…) La mise en place du projet Rifkin et son développement dans le temps vont ouvrir de belles perspectives à nos métiers dans les domaines de l’énergie, de la mobilité, de la logistique ou du numérique. »

Marc Solvi a ensuite cédé la parole à Jean-Jacques Dordain, Directeur général de l’Agence spatiale européenne de 2003 à 2015, pour sa présentation des enjeux et défis de l’initiative spaceresources.lu dont le conférencier est membre du comité consultatif.

L’espace, solution contre la finitude de la Terre

« L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre. » Citant Antoine de Saint-Exupéry dans Citadelle, Jean-Jacques Dordain a souligné que le rôle de l’ingénieur est de rendre le futur possible, de le bâtir et de ne surtout pas le subir, notamment par le brassage constant entre les générations sortantes et les générations entrantes, entre autres dans des associations comme da Vinci.

L’accélération de l’expansion de la Terre, a-t-il poursuivi, s’explique par l’homme et ses capacités d’innovation reflétées dans plusieurs big bangs successifs : l’agriculture qui a créé une explosion démographique de la race humaine ; la maîtrise de l’énergie qui a permis de déployer des forces beaucoup plus importante que celles du monde animal ; le monde digital, moment que nous vivons actuellement et où la machine commence à concurrencer l’homme. Aujourd’hui, les transformations sont plus rapides que la durée de vie d’un homme, ce dernier se trouvant dans un monde en transition continue. Et pendant que la population augmentait par trois en une vie d’homme, surtout hors Europe, la consommation des ressources se multipliait, quant à elle, par 20.

Devant cette réalité, Jean-Jacques Dordain préconise une méthode en trois points : il faut accepter et respecter les faits ; pour maîtriser le court terme, il faut du leadership, de la réactivité et de la créativité ; il faut partir du long terme pour inventer des solutions durables. L’espace peut illustrer cette méthode.

L’espace est important pour notre futur pour trois raisons : la Terre appartient à l’espace, et on ne peut pas comprendre la Terre et sa finitude sans comprendre l’univers ; l’espace est un outil pour la Terre par la circulation de l’information via satellites ; l’espace est un laboratoire de la vie sur Terre, un vecteur d’innovation important, un vecteur de coopération internationale, un facilitateur d’éducation attirant les meilleurs, fascinant les jeunes générations et permettant de distribuer sur une échelle globale des programmes d’éducation. L’espace est donc devenu indispensable à la marche du monde, au point que certains investisseurs privés s’y intéressent de plus en plus.

L’initiative spaceresources.lu se base sur une méthode qui relie la reconnaissance des faits, les trois boîtes à outils leadership, réactivité et créativité et partir du long terme. L’objectif est d’attirer au Luxembourg des entrepreneurs, investisseurs et experts du monde entier par la perspective de bâtir un futur durable pour l’humanité en brisant la finitude de la planète Terre grâce à l’ouverture d’un accès aux ressources naturelles dans l’espace. En effet, au rythme de notre consommation et malgré l’économie circulaire, la finitude de la planète Terre n’est pas brisée.

Pour ouvrir le chemin entre aujourd’hui et le long terme, il faut créer des synergies entre l’exploitation des ressources dans l’espace et celle sur Terre. Ensuite, les premiers marchés sont les missions spatiales elles-mêmes qui doivent utiliser le matériel venant des ressources spatiales plutôt que de l’embarquer depuis la Terre.

L’initiative spaceresources.lu était la bonne initiative au bon moment, suscite un grand intérêt à l’étranger et fait même des émules ailleurs dans le monde. Elle permet d‘étendre notre sphère économique bien au-delà de la planète Terre elle-même.

Une éducation par projets collectifs

Dans pareil contexte, les métiers surtout d’ingénieur et de scientifique changent, et leur rôle dans la société gagne en importance. Ils peuvent se prévaloir d’une méthode, de la distance nécessaire par rapport à un événement pour baser leurs décisions sur la réflexion plutôt que l’émotion, de leur compréhension de la complexité du monde en échappant à la dialectique binaire et de leur créativité dans un monde qui est de plus en plus univoque.

Mais inventer et innover, c’est prendre des risques dans une société qui les appréhende. N’empêche qu’il n’y a pas de progrès sans risques. Et le risque, c’est l’apanage de l’homme par rapport à la machine. Pour prendre des risques, il ne faut pas avoir peur de l’échec, mais il faut le haïr, c’est-à-dire gérer le risque pour aller au succès, et ce par la méthode et l’expertise individuelle et collective.

La coopération n’est pas innée. Elle s’apprend, notamment en définissant les intérêts mutuels de chacun des partenaires. D’où le rôle de l’éducation qui, elle aussi, doit changer dans un monde qui change, se transformer en une éducation par projets collectifs en faisant travailler des étudiants de cultures, nationalités et universités différentes sur des projets industriels dès l’université.

« Ne laissez pas le monde vous changer. Changez le monde. » Voilà le message final de Jean-Jacques Dordain aux ingénieurs, architectes du futur.

 

Articles de presse:

2017-02-04-RTL

2017-02-06-Letzbuerger Journal

2017-02-06-LW

2017-02-06Tageblatt_